Jean-Claude Dreyfus : comédien connu, méconnu !

Voilà bien un comédien atypique s’il en est. Il fait ses débuts à l’âge de 15 ans en se produisant comme illusionniste dans des hôtels et des cabarets. Tout un symbole pour celui qui n’est jamais là où on l’attend…

Dans Le Chant des Oliviers de Maryline Bal à l’affiche à Chatou le 28 mars, Jean-Claude Dreyfus est Jacques, ancien restaurateur à la retraite, amoureux de la cuisine traditionnelle « à la française ». Loup solitaire au caractère bien trempé, il vit seul dans la maison provençale de sa filleule Léa. Quand elle vient lui rendre visite le temps d’un week-end, au cœur des saveurs du sud avec leurs tons chauds, chantants et passionnées, l’ambiance est au beau fixe… pour peu de temps ! Conflits générationnels, opposition culturelle et confrontation d’ego entre cuisiniers vont faire monter la tension et faire ressurgir des secrets de famille. Entre éclats de rire et coups de gueule, au fil de cette comédie tendre-amère, les personnages nous parlent de transmission et par-dessus tout d’amour. Une histoire tout à l’image du comédien à la finesse et à l’humour qui font mouche.

Raconteur d’histoires

Une rencontre avec Jean-Claude Dreyfus c’est apprendre autant d’anecdotes sur les coulisses des spectacles que sur les travers et les beautés de ces femmes et de ces hommes qui font rêver. Un peu cabot, il n’a pas la langue dans sa poche. Il vous embarque dans son univers et ne vous lâche qu’après vous avoir mené à bon port. On connaît de lui le personnage qu’il présente, un peu bourru et fort en thème. Mais si on s’attarde un peu on découvre surtout l’homme qui aime les autres, qui aime prendre le temps de rencontrer son public, ces gens du hasard. Et c’est bien ce Molière là qu’il préfère, la reconnaissance du public, à celui de la profession qu’il n’a jamais eu malgré plusieurs nominations.

Ouvert et généreux, ce qu’il aime c’est l’échange, à sa manière et à son rythme. « Je veux bien raconter ma vie, dit-il, mais je ne veux pas qu’on me le demande. Ma vie c’est ma vie, je donne ce que je veux. Le reste ne regarde personne ». Cette vie qu’il apprécie de raconter à la radio ou en tête à tête « car si on en dit rien il ne se passe rien », mais qu’il déteste étaler sur un plateau télé qui demande « d’être efficace sur commande. ». Derrière le personnage haut en couleur, le « nerveux-calme »  comme il se qualifie lui-même se cache un homme tout en nuances et en humilité. S’il se reconnaît des défauts majeurs, dépensier invétéré dès qu’il s’agit d’objet, il est à la fois touche à tout, investi dans ce qu’il aime et contemplatif, pouvant rester des heures à rêver…

Le gout du théâtre de la vie

« Il n’y a aucune raison de faire abstraction de sa vie quand on monte sur scène, car ce sont bien ses tripes qu’on y dépose. ».

C’est dans les années 1970 que Jean-Claude Dreyfus commence sa carrière par le cabaret. Ses premières apparitions à l’écran oscillent entre le film expérimental et la comédie (Comment réussir quand on est con et pleurnichard, de Michel Audiard).  Il enchaine les seconds rôles et donne la réplique à Jean Carmet (Le sucre), Jean-Paul Belmondo (Le Marginal) ou Jean Rochefort (Tandem). Outre ses rôles sur scène et ses apparitions au cinéma, il se fait connaître du grand public en interprétant une série des spots publicitaires pour une célèbre marque de plats cuisinés. Il assume. Cela lui ouvre les portes de la popularité. Les années 1990 et une double collaboration avec les cinéastes Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro marquent un tournant dans sa carrière : dans Delicatessen  il incarne un inquiétant boucher, au physique particulièrement impressionnant ; dans La Cité des enfants perdus, il est présenté sous la forme d’un étonnant dresseur de puces. S’il ne cesse de s’illustrer au fil de ses projets cinématographiques auprès de réalisateurs de premier plan (Eric Rohmer, Jean-Pierre Mocky, Jean-Jacques Annaud…), au théâtre avec des projets qui lui ressemblent, atypiques et pourtant populaires, il incarne avec autant de talent des rôles classiques qu’une caissière (Mardi à Monoprix) ou Raymond Devos (Dreyfus/Devos)

Libre dans tous ses projets

« Quand je suis au théâtre j’ai très envie de faire du cinéma, et quand je fais du cinéma d’être au théâtre. ».

Si l’homme déclare qu’il est lent à apprendre, difficile car il n’aime pas qu’on lui dise ce qu’il a à faire, le comédien aime visualiser le contexte des textes qu’on lui propose pour s’en imprégner. Apprendre pour lui semble une douleur, mais faire la comédie est un plaisir ; c’est une aventure, renouvelée chaque jour « c’est toujours pareil et c’est jamais pareil… ». Celui qui a une vision réaliste de son métier et qui ne veut pas de cette étiquette devient pourtant une référence à qui l’on vient demander des conseils. Un sage bien mutin pourtant qui fourmille de projets…

 

Christophe Ragué

 

Bio express

  • Né en février 1946
  • César 1992 : Nomination au César du meilleur acteur dans un second rôle pour Delicatessen
  • Molière 1998 : Nomination au Molière du comédien pour Hygiène et l’assassin
  • 2005 : premier livre Du cochon considéré comme l’un des beaux-arts, Ed. Le Cherche-Midi
  • 2006 : Les questions à la con, Ed. Pascal Petiot
  • Molière 2010 et 2011 : Nominations au Molière du comédien pour Le Mardi à Monoprix
  • 2012 : Ma Bio Dégradable, Ed. Le Cherche-Midi

 

crédit photo : olivier denis

 

Publié dans : Portraits, Arts / Culture

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